A contre-jour la surface de l’eau ne laissait rien voir du fond, sous l’alternance des alvéoles noirs et blancs de son ondulation très régulière. Une tête effrayante sortit d’une des zones d’ombre dont la fluidité semblait presque huileuse. Les cheveux longs dégoulinaient, plaqués contre les joues larges et granuleuses, boursouflées. Un front bas, étroit, mais proéminent, des arcades sourcilières décrochées l’une de l’autre, celle de droite repliée vers l’œil, un nez de plastique fondu, des lèvres enflées, violacées, plissées, pendantes, baveuses. Et la tête avançait lentement, et les épaules surgirent, le torse, tout le corps, à mesure que la créature s’approchait du bord de la piscine, tenue et conduite dans le dos par une aide-soignante avec son maillot une-pièce noir et son bonnet de caoutchouc bleu turquoise qui enserrait ses cheveux. Celle-ci, aussitôt que l’étrange couple qu’elle formait avec son malade fut parvenu à la dernière marche, fut rejointe par une infirmière en uniforme blanc, qui frotta énergiquement le corps difforme du petit monstre trapu avec une grande serviette éponge, également blanche. Cette jeune femme, pendant que l’autre redescendait lentement dans la piscine, se mit à la gauche du patient pour marcher avec lui, palliant la claudication de celui-ci par une posture adaptée.

Ils atteignirent les baies vitrées, dont plusieurs restaient ouvertes en cette saison.

La femme aux soyeux cheveux roux couvrit le petit homme rabougri d’un polo à manches longues, blanc aussi, qu’elle ajusta soigneusement, dont elle ferma les boutons du col jusqu’au dernier. Elle l’emmitoufla dans un peignoir ; elle l’assit sur un des bancs alignés contre les parois de verre, le chaussa de sabots en plastique bridés aux chevilles. Puis ils sortirent dans le parc où étaient dispersés d’autres résidents de la Maison, se promenant seuls, ou accompagnés, ou bien assis à quelques tables dont le style, comme celui des chaises, faisait penser à une station thermale désuète.