Polymorphies présente une double composition de recueil de nouvelles et de roman, dans la mesure où les récits, qui, regardés sous un certain angle, pourraient être indépendants les uns des autres, s’enchaînent et se répondent par un jeu de correspondances, de variations et par des transitions élaborant une ligne qui les traverse et aboutit au texte final offrant une relecture de l’ensemble. Les intrigues et les personnages forment le théâtre d’un duel entre un narrateur et une sorte d’instance démoniaque toujours plus forte que lui.
Tous les personnages des récits ont un rapport dramatique et même psychotique avec le « monde des signes », dans la mesure où celui-ci serait investi d’une puissance en laquelle ils placent leurs espoirs, leurs illusions, et où les attend leur folie.
L’action discursive (langage, sens, voix) est au cœur des intrigues, des personnages et de leurs liens, dans des dimensions mouvantes, parfois ambiguës. Le texte longe et déplace les frontières entre les genres littéraires, les contextes d’écriture, la réalité et la fiction, pour rendre un peu palpable la réalité de la fiction.
C’est aussi, inévitablement, un jeu avec les identités des personnages, en quête de leur propre réalisation, et avec celle d’un narrateur dont on relève les indices de ses diverses incarnations fictives et de ses inquiétudes propres.
On ne peut pas écrire du récit dans notre temps, de notre temps sans intégrer un tant soit peu à l’art de l’intrigue et des caractères une mise en question de cet art lui-même. Il ne suffit pas, pour qu’une écriture soit de notre temps, de « parler de » ce qui occupe l’opinion du moment. Il est tout aussi urgent, il me semble, dans une ère de la communication où souvent le degré de pertinence est inversement proportionnel au degré de technologie, où le déficit de sens est à la mesure des bruits assourdissants qui sont émis de toutes parts (comme de nulle part), que l’écriture littéraire montre, revendique, sa spécificité artistique comme une autre ouverture sur l’homme et le monde, une exploration au plus près de l’humain et une vie, une présence, de la pensée, des émotions, sans équivalent.
Pour l'anecdote : ceux qui ont connu le Nanterrois et Courbevoie dans les années 90, vous allez comprendre...