Linguistique et didactique
Une explication morpho-sémantique de l’accord du participe passé.
Le participe passé, forme plurivalente du verbe : vecteurs transitif et qualifiant.
I. APPROCHE DIDACTIQUE
Les grammaires à usage scolaire (notamment pour les collèges) présentent encore l’accord du participe passé selon des règles où priment une opposition des auxiliaires et la fonction du terme auquel s’accorde le participe.
Sans donner dans l’erreur, cette explication écarte et isole pour plus tard le « cas » du verbe pronominal (avec ou sans COD), tend à multiplier les soi-disant exceptions et à provoquer des hésitations nombreuses, notamment si la question de l’attribut n’a pas été d’abord bien résolue en regard du sujet, du verbe et du complément d’objet direct.
La difficulté, dont les contextes pratiques et cognitifs peuvent faire débats, de l’apprentissage des abstractions (les concepts) à l’école Primaire incitent à « simplifier » l’accord du participe passé (quand déjà aucune vision logique large de la conjugaison n’est possible) en une règle d’accord selon l’auxiliaire. Force est de constater que cette simplification produit des mécanismes et des erreurs, bloquant parfois l’évolution plus complète de l’apprentissage après le Primaire :
« Avec l’auxiliaire être, on accorde et avec l’auxiliaire avoir on n’accorde pas » C’est là une certitude très courante parmi les élèves arrivant au Collège. L’étape de l’identification du COD, rétroactivement au sens de lecture, est très loin d’être assimilé (assimilable) dans le contexte langagier et mnémotechnique où se trouve la plupart des enfants.
En outre, la relation de l’accord est très partiellement comprise : on accorde, mais on ne sait pas avec quoi, et si on le sait, on ne trouve pas pour autant le « sujet » ou le « COD » ; on confond les phénomènes de la conjugaison de l’auxiliaire et de l’accord du participe (il n’est pas rare que des élèves disent : « on accorde le participe avec l’auxiliaire »). Il serait à étudier, par ailleurs, un apprentissage plus solide de la notion d’accord.
Enfin, le cas des verbes pronominaux résiste à la compréhension si l’on en reste à l’idée que le participe passé s’accorde avec le sujet lorsqu’il est conjugué avec « être » : le sujet est disqualifié dans les pronominaux qui font sous-entendre une transitivité indirecte (« Ils se sont parlé » : ils ont parlé à eux-mêmes, mais on aura « Ils se sont souvenus » : ils ont souvenu eux-mêmes ?), le sujet est par ailleurs concurrencé par l’objet (« ils se sont soignés / ils se sont soigné le dos » : préférence à l’objet, une préférence explicable, mais sans des opérations attenant à un mécanisme d’ensemble).
Le propos est ici d’examiner les phénomènes propres à cet accord du participe passé, d’effectuer des opérations-tests expliquant la question de l’accord, pour une l’explication qui semble la plus favorable à un apprentissage en cohérence, avec une progression didactique d’ensemble du système de la langue, et selon une conceptualisation grammaticale qui ne va pas générer d’automatismes produisant erreurs et confusions.
II. ANALYSE LINGUISTIQUE
Nous proposons une explication progressive selon le sens et la fonction, et où l’auxiliaire n’est pas le premier élément qui détermine l’accord. Mais deux plans seront distincts : celui de la fonction grammaticale (par exemple la transitivité directe ou indirecte, le sujet, l’objet, l’attribut...), et celui d’une logique de catégories sémantiques qui vont être définies pour être au plus près de la spécificité du participe passé et de son accord (par exemple la valence transitive qualifiante).
1) Pourquoi « morpho-sémantique » ?
Le rapport du procès actualisé par le participe avec son objet et sa relation avec le sujet (relation manifeste dans la conjugaison de l’auxiliaire) montre que la compréhension et l’application de l’accord du participe passé requiert le repérage de formes vérifiant une logique sémantiquement satisfaisante (par exemple dans l’accord du participe avec le COD pour les verbes pronominaux : « Elle se sont offert des pâtisseries. »).
a) Explication et progression didactiques :
Le dévoilement des caractéristiques de l’accord du participe peut s’ordonner selon le développement progressif des processus de conscience qui réalisent l’accord. En somme, l’herméneutique de la pédagogie doit suivre les processus d’actuation de l’accord que l’on apprend. On ne peut réduire un apprentissage scolaire à un « touche-à-tout » arbitraire, tributaire des contextes pratiques : les expériences doivent s’inscrire dans un choix de ce qui va être placé ou écarté d’un système dont où tout est lié hiérarchiquement.
La didactique prévoit ainsi de construire les outils de conceptualisation avec le processus de conscience tout en mobilisant la pédagogie pour mettre en œuvre l’accord du participe passé tout en pouvant le désigner, le montrer. Rien là de nouveau : nous rappelons simplement des impératifs d’apprentissage.
Nous nous en tiendrons essentiellement ici à la construction et à la progression des concepts didactiquement efficients, sans décrire les mises en œuvre pédagogiques des exercices, corrections et évaluations (objets d’une éventuelle seconde partie à cette étude).
Les processus sont rationnels (par exemple identifier un COD ou un sujet), et intuitifs (au sens où les opérations nécessaires s’imposent successivement par induction ou déduction selon que le chemin rationnel est suivi plus ou moins exactement)
Procès rationnel :
· Identification (par traits caractérisants) des natures : nom, verbe, auxiliaire et participe.
· Identification des morphèmes verbaux, génériques et du nombre.
· Repérage de la relation verbe et sujet.
· Repérage de la relation verbe et objet.
Procès intuitif : à partir des données objectives, selon le contexte de leurs repérages dans un ordre variable et selon le contexte de l’énoncé, la conscience s’oriente et reconstitue un schéma probable1.
Induction (des faits aux lois) : par exemple, le morphème « -es » en fin de tel nom implique éventuellement une règle d’accord appliquée.
Déduction (d’une loi aux faits la vérifiant) : par exemple, un verbe réclame un sujet et / ou un objet.
b) La progression conceptuelle efficiente et la progression didactique :
o Premiers éléments :
Les mots sont porteurs de traits qui en font reconnaître des relations logiques dans les phrases qui ne sont pas simplement confondues avec le référent et l’imitation (on comprend ce qui se passe et on a telle ou telle habitude pour le dire)2.
Les morphèmes de la rection (genre, nombre, tiroirs verbaux)
La notion d’accord : Il apparaît nécessaire au préalable de définir clairement ce qu’on appelle « accord » : la plupart des collégiens entendent par « accord » le fait d’ajouter un morphème (celui du genre féminin et / ou du pluriel). De ce fait, l’absence d’accord est confondue avec l’accord au masculin, et d’autre part, on ne discerne pas entre « accord » et « relation ». Quoique l’accord ne soit pas actualisé (non nécessaire), la relation demeure : dans « Elle se sont offert des pâtisseries. », l’accord n’est pas actualisé, mais la relation du procès à l’objet « pâtisseries » demeure, ce qui justifie qu’il y ait accord dans une autre condition syntaxique, « Regardez les pâtisseries qu’elle se sont offertes. » (Nous verrons aussi comment éviter l’erreur courante dans ce cas : bon nombre d’élèves penseront en l’occurrence que « offertes » s’est accordé avec « elles », « puisqu’il y a l’auxiliaire être ».) Une formule possible : on appelle « accord » le fait de rendre visible la relation logique entre deux mots (par le genre, le nombre ou la conjugaison (tiroirs verbaux)).
Notions de hiérarchie et de dépendance : Il est également nécessaire d’établir comme base la notion de hiérarchie ou de dépendance logique, sans laquelle règne la plus grand confusion morphosyntaxique : la grammaire témoigne partout de la « réduction de l’arbitraire » (cf Saussure, CLG, Deuxième partie, Linguistique synchronique, chapitre VI) Ainsi, la terminaison de l’adjectif dépendant du nom complété, celle du participe dépend de la relation morphosémantique et syntaxique avec l’objet (et non pas le sujet : c’est ce que se propose de mettre en évidence cette étude).
Procès, sujet et objet (transitivité) : si les concepts de procès, sujets et objets ne sont établis que lexicalement (« ceci est un verbe car il exprime l’action »), on ne place pas l’élève en réelle observation de la langue. On sait qu’il est tout à fait ^possible de reconnaître l’action (ou l’état) dans un substantif, voire un adverbe, ou un participe adjectival (sans auxiliaire). Il doit d’abord être question de reconnaître un verbe et le procès transitif qu’il engage, et non pas de « tomber dessus » en ayant remplacé le processus grammatical par une sorte d’explication de texte teintée de quelque exigence logique. Et nous savons en outre que l’identification par les désinences ne peut être qu’un des repérages dans un ensemble ordonné.
o Secondes éléments :
Le participé passé : forme adjective du verbe, il fait porter le procès (l’opposition ici entre action/état n’est pas nécessaire) sur un nom ou un pronom (nous dirons un « destinataire », ou un « qualifié ») comme un adjectif qualificatif.
« destinataire »/ »qualifié », sujet et objet : leur identification et leur utilisation dans la construction de propositions dépendent d’un concept de « transitivité » caractérisé selon l’ordre global de la progression logique. Cette transitivité, si elle est en corrélation avec la valeur adjective, permet de concevoir une identité fonctionnelle du terme sur lequel le participe passé fait porter le procès dont nous avons donc vu que la valeur qualifiante est le trait essentiel (procès que la forme composée du verbe établit justement comme perfectif : l’aspect perfectif porte une vertu qualifiante*).
En considérant que l’accord du participe est fondé sur une transitivité qualifiante sans même se fonder sur l’auxiliaire, il est possible d’expliquer cet accord en évitant des refrains mécaniques et des « exceptions », qui, bien souvent, ne peuvent être posées sans semer quelques confusions.
2) Explication :
a) Transitivité, participe et auxiliaire :
Aux temps composés, l’auxiliaire sert de support temporel de la forme adjectivale qui, elle, assume le rôle d’exprimer le procès et dont la temporalité consiste dans l’aspect accompli (perfectif). La part sémantique du participe, l’expression du procès, se rapproche très fortement de l’adjectif en actualisant le procès comme caractéristique de ce qui est accompli sur un destinataire : ce qui, sous cette approche, ne serait pas sans nuance attributive dans la relation participe/substantif (le participe tend à actualiser un attribut analytique* du destinataire).
Nous appellerons ce « destinataire » le « qualifié » du participe passé (qu’il soit sujet ou objet n’entre pas en considération dans un premier temps). L’enjeu fort de la progression didactique est de mettre en place un concret clair de ce « qualifié », pour l’articuler ensuite avec les fonctions sujet, objet et attribut.
Si le sujet est associé immédiatement à l’auxiliaire avec ce qu’on appelle communément l’accord sujet/verbe et la « conjugaison » de l’auxiliaire (choix du temps composé), le participe manifeste une indépendance morphologique qui est vite perçue par des élèves.
De fait, le sémantisme et la rection morphologique du participe sont à poser de prime abord dans une compréhension de l’accord du participe passé. Un fonctionnement à part entière du participe vient se superposer à l’actualisation verbale (temps composé). Il peut être intéressant alors d’examiner le phénomène qui se produit ainsi entre les noms et les verbes dès lors que la forme composée de la conjugaison vient doubler la transitivité verbale d’une relation adjective. Une même valeur aspectuelle / temporelle n’eût pas les mêmes conséquences avec des formes restées simples.
Le participe, dont on doit caractériser clairement la forme et la fonction adjectivales, s’associe au terme sur lequel porte le procès exprimé, quel que soit le support verbal (transitif ou non, avec l’auxiliaire « être » ou « avoir »).
Le participe passé va donc s’accorder en imitant l’adjectif, avec le terme sur lequel porte l’action et, allons plus loin, le terme auquel l’actualité du procès s’entend comme qualifiante. Nous parlons donc de « valence transitive qualifiante ».
La « valence transitive qualifiante » ne peut être confondue avec l’opposition verbe transitif (direct/indirect) / intransitif.
Ainsi :
Soient : « Les participants sont arrivés avec une demi-heure d’avance », ou « Les participants ont ouvert la compétition », ou encore « Les participants se sont félicités », ou, enfin, « Les participants se sont entendu dire qu’ils étaient en avance », « Les participants ont souffert de leur stress »
Tous les objets sur lesquels porte le procès du participe sont susceptibles d’entrer dans la proposition suivante : « O est / n’est pas P » (qui renvoie au test de la transformation passive pour les COD) : « les participants sont arrivés », « les participants ne sont pas ouverts », « les participants sont félicités », « les participants ne sont pas entendus », « les participants ne sont pas soufferts. » Ce dernier cas pose problème : le locuteur tendrait à considérer que le procès porte sur le sujet. Nous pouvons nous suffire de l’exclusion de tout accord avec un COI. Mais il n’en reste pas moins que ce verbe, comme d’autres, présente un sémantisme fortement qualifiant et réflexif (« il souffre » = est dans un état de souffrance). Aussi, la « transitivité qualifiante » doit être très précisément définie et première à tout processus de l’accord. De fait :
Lorsque l’auxiliaire est « avoir », une proposition attributive sous-jacente peut être utilisée pour mettre en évidence la relation entre « la valence transitive qualificative » et son « destinataire », son « qualifié ».
On pourrait objecter qu’une difficulté subsiste : la transitivité indirecte. Nous sommes dans une logique adjectivale et l’on peut s’interroger sur le fait que l’opposition de construction directe/indirecte du complément ait un rôle à jouer, d’autant plus que l’on a considéré comme principe premier la relation avec le « qualifié ». L’objet indirect pourrait entrer en concurrence avec l’objet direct s’il est un « qualifié » du participe.
« Les participants ont écrit aux organisateurs »
Le procès, sous une forme adjectivale, porte bien sur l’objet. Mais c’est justement cette forme adjectivale qui ne pose pas de relation entre le procès et l’objet indirect : « les organisateurs ne sont pas écrits », en appliquant le test cité plus haut « O est / n’est pas P ».
Une relation attributive peut donc être dévoilée sous toute construction du participe avec l’un comme l’autre auxiliaire, que la construction soit directe ou indirecte. Cette dernière interdit la relation adjectivale du type attributif.
Quel que soit l’objet, il est donc à vérifier si le procès, sous la forme adjectivale du participe passé, à savoir la « valence transitive qualifiante », porte ou non sur un « qualifié », quelle que soit sa fonction grammaticale, sa nature (nom, pronom), sa place.
« Elles sont parties »
« Parties » qualifie « elles »
« Elles se sont connues »
« connues « qualifie « elles »
« Elles se sont exposées au danger »
« exposées » qualifie « elles »
« Elles se sont parlé »
« parlé » ne qualifie pas « elles » (« elles » ne sont pas « parlé(es) »)
« Elles se sont offert des livres »
« offert » ne qualifie pas « elles « mais « livres » : on attend une justification de l’absence d’accord entre le participe et « livres »
« Elles ont couru le cent mètres haies »
« couru » ne qualifie pas « elles », mais se rapporte à « cent mètres haies »
« Elles ont marché sur les sentiers »
« marché » ne qualifie pas « elles » (ici la notion de qualification peut être très précisément définie)
« Elles se sont enfuies du château hanté »
« enfuies » se rapportent à « elles »
« Elles se sont entendu dire que l’entrée leur était interdite »
« entendu » ne se rapportent pas « elles » mais à « dire » : ici, le discernement entre le sujet et l’objet du procès est à préciser (elles ont entendu).
« Elles se sont entendues parler trop haut »
Le participe se rapporte au sujet.
Remarques terminologiques :
Dans tous les cas possibles, l’accord du participe passé se fonde sur une double valence : transitive et qualificative.
Nous appelons « valence » la relation (le « vecteur ») que le verbe actualise envers diverses cibles de l’énoncé (sujet, objets). Nous n’avons pas dans ce cas d’étude à prendre en compte la notion de monovalence (Tesnière). Ici, la valence est une relation, et elle peut être la relation transitive d’un verbe avec un COD comme la relation qualifiante d’un participe passé ; elle devient bivalence quand le verbe porte à la fois une relation au sujet grammatical à un « qualifié » pouvant être aussi ce sujet : dans « Elles sont parties très tôt ce matin. », « sont parties » est bivalent car le sujet grammatical est aussi « objet » ou plus précisément le « qualifié » du participe.
b) Valence transitive qualificative : choix de la transposition soit attributive, soit transitive directe.
Nous avons procédé à une transposition test généralisée par le biais de la relation attributive :
a) « Elles ont mené la danse »
b) « Cette danse, elles l’ont fort bien menée »
c) « Elles sont menées au bal »
d) « On les a menées au bal »
e) « Elles se sont défoulées comme des enfants »
f) « Elles se sont apporté des cadeaux »
g) « Elles se sont parlé »
h) « Elles se sont laissées dire qu’il y aurait un bal »
i) « Elles se sont entendu dire qu’il y aurait un bal »
j) « Elles se sont entendues parler chinois »
k) « Elles se sont blessé le genou »
l) « Elles se sont offert un beau voyage »
Soit : A est P / A n’est pas P (question formulable : « qui est-ce qui est P ? A ou non A »)
a) La danse est menée / la place syntaxique suspend l’accord
b) La danse est menée
c) Elles sont menées
d) Les (Elles) sont menées (on n’est pas mené)
e) Elles sont défoulées
f) Elles ne sont pas apportées + les cadeaux sont apportés / la place syntaxique suspend l’accord
g) Elles ne sont pas parlées
h) Elles sont laissées
i) Elles ne sont pas entendues
j) Elles sont entendues
k) Le genoux est blessé (elles sont toutefois blessées, par synecdoque, « dos » est un attribut analytique* de « elles ») (l’explication courante est que le pronom réfléchi « se » renvoie à « genou », en l’occurrence « leur genou »)
l) Le voyage est offert
On peut procéder à une transposition test généralisée par le biais de la relation transitive directe :
a) Elles ont mené quoi/qui ? : la danse = COD / la place syntaxique suspend l’accord
b) Elles ont mené quoi/qui ? : la danse = COD / la place requiert l’accord
c) Elles ont mené quoi/qui ? : elles (-mêmes) = SUJET / identité du sujet et de l’objet
d) On a mené quoi/qui ? les (elles) = COD / la place requiert l’accord
e) Elles ont défoulé quoi/qui ? : elles (-mêmes) = SUJET / identité du sujet et de l’objet
f) Elles apporté quoi/qui ? : des cadeaux = COD / la place syntaxique suspend l’accord
g) Elles ont parlé quoi/qui ? : construction caduque (COI) / à qui ? : COI / accord impossible
h) Elles ont laissé quoi/qui ? : elles (-mêmes) = SUJET / identité du sujet et de l’objet
i) Elles ont entendu quoi/qui ? : COD implicite, ou « dire » / placé après
j) Elles ont entendu quoi/qui ? : elles (-mêmes) = SUJET / identité du sujet et de l’objet ET « parler »
k) Elles ont blessé quoi/qui ? : le genou = COD / la place syntaxique suspend l’accord
l) Elles ont offert qui/quoi ? : le voyage = COD / la place syntaxique suspend l’accord
Dans cette transposition devant mettre en relief la relation spécifique du participe passé avec le terme auquel il va s’accorder comme un adjectif, nous constatons l’emploi systématiques des fonctions COD, COI et SUJET. Or, s’instaure une confusion annulant l’opposition SUJET / OBJET dans les cas du verbe pronominal (d, e, h, i) (cette confusion est d’autant plus gênante et persistante pour des étudiants, par exemple, qui ont une habitude de l’opposition fonctionnelle, par ailleurs nécessaire). En outre, pour les cas justement complexes (verbes pronominaux avec ou sans COD), et notamment le dernier cas, la transposition à l’aide de la fonction COD peut ne pas être opérante (i : difficulté de représentation du COD ; j : concurrence sujet / objet).
Il semble préférable d’utiliser la transposition par le biais de la logique attributive « A est P / A n’est pas P »
c) Le participe passé et le COI3 :
Il est possible d’écarter d’emblée dans toute explication et tout apprentissage la fonction COI de l’accord du participe passé. On peut aussi se demander pourquoi, en position indirecte (première ou seconde), la valence transitive qualifiante, fût-elle portée par une construction transitive indirecte, ne peut être opérante et ne saurait poser la question de l’accord ; ce qui correspond à un examen supplémentaire de la nature adjectivale du participe passé :
Nous savons qu’il nous faut :
- Un vecteur verbal (une transitivité, même pour les constructions avec « être »)
- Une vertu qualifiante sur le mot engagé dans le procès, « appelé par le procès » qui le vise (« Elles entendent / elles sont entendues = ont entendu elles-mêmes)
Soit : « Ils ont offert un voyage à leurs cousines »
- « Offrir » renvoie transitivement à « voyages » et à « cousines »
- « Offrir » participe passé n’a pas pour qualifié « cousines » mais bel et bien « voyage »
Nous précisons à cette occasions que le « qualifié » correspond à ce qui est directement et premièrement marqué, par le procès,
La construction indirecte du complément d’objet (contrainte par le verbe) détache l’objet de la valence qualifiante du participe passé, car elle ne permet pas la qualification de cet objet vérifié dans la proposition A est / n’est pas P (transformation passive).
La relation COI sort donc du champ de la valence transitive qualifiante du participe passé. Et il paraît donc crucial que la définition de la valeur qualificative du participe passé soit intégrée précisément à l’ensemble de l’explication morpho-sémantique de l’accord du participe passé.
Soit : « Ils appellent à une trêve » , « La trêve à laquelle ils ont appelé ».
Le rétablissement de la valence complète est nécessaire : « Ils ont appelé X à la trêve », avec, pour exemple : « Les soldats ont été appelés à la trêve ». Ainsi : « la trêve n’est pas appelée ».
Ce qui nous conduit ici à une réflexion très courante entre le système de la langue (requérant une logique exposable entièrement et sans défaut de logique) et la mobilité de l’appréhension et de la conception sémantiques dans l’usage langagier (C’est la trêve qui est appelée (aussi), donc, j’accorde « appelé » avec ce nom). L’ambition réduite de notre analyse ne fera pas entrer la notion de valence transitive qualifiante du participe passé dans cette réflexion.
d) Le participe passé et les verbes pronominaux au sémantisme complexe :
a) « Elles se sont blessé les pieds »
b) « Ils se sont souvenus de leur voyage »
c) « Ils racontent les vacances dont il se sont souvenus. »
Le test « A est P » :
a) Les pieds sont blessés (place du COD suspend l’accord)
Il est nécessaire de faire primer l’accord du participe passé avec un COD, ou un « qualifié ». Dans un second temps, ce « qualifié » est identifié soit à un COD, soit au sujet. L’auxiliaire n’étant, quoi qu’il en soit, pas retenu dans l’actualisation de cet accord.
b) Ils sont souvenus ou leur voyage est souvenu ?
Apports de la sémantique et de l’étymologie : pour « se souvenir », la transitivité qualifiante est délicate à appliquer. Ce cas se démarque par exemple des constructions réflexives avec des verbes bivalents soit transitifs soit attributifs : « parler / se parler » : « Ils se sont parlé », : ils ne sont pas parlés. Il y aurait une certaine logique à ne pas accorder : « Ils se sont souvenu de leurs vacances. », comme « Ils se sont parlé de leurs vacances. »
Mais en revenant à la base lexicale « venir » (« Ils sont venus »), on peut éclaircir (et par là orienter vers l’accord du participe passé) le sens complexe de « se souvenir » par rapport à son sujet et son objet éventuel. Dès l’étymologie, « souvenir / subvenir » (le premier n’étant pas initialement en construction réflexive), on observe un scénario du sémantisme de « venir » où « Sujet + préfixe/venir » demeure étroitement lié au sujet qui est « qualifié » comme « ce qui vient » : « Ils viennent / ils sont venus », « Ils (sur)(re)viennent / Ils sont (sur)(re)venus », « Ils °souviennent / ils sont °souvenus », puis « ils se souviennent / ils se sont souvenus » : ils sont souvenus eux-mêmes de + CO, alors que pour « subvenir », la transitivité a primé sur l’intransitivité (qui était « possible ») : « Ils subviennent / ils ont subvenu à ». On remarque l’apparentement de « venir » et « souvenir » pour ce qui est de la possibilité d’une construction impersonnelle : « Il me (re)vient », « Il me souvient de / que... », « Il m’en souvient ».
Nous pouvons alors estimer que la valence transitive qualifiante est fondée, explicable, mais dans un contexte sémantique de nuance
e) Le participe passé sans « qualifié » :
Lorsque le valence du procès dans le participe passé n’a pas de vertu qualifiante sur le sujet ni sur un objet, alors le participe ne peut s’accorder, car c’est cette double relation qui doit être actualisée dans cet accord. ( a- « Elles ont couru sur les sentiers », b- « Elles ont couru le cent mètres haies » : dans (a) et (b) « Elles ne sont pas °courues° »)
III. SYNTHESE :
L’accord se produit entre le participe passé et le mot sur lequel il fait porter l’action (le qualifié), comme un adjectif qui cible un nom qu’il complète (ou qualifie), sous-actualisant donc une valence transitive qualifiante du participe passé. Et lorsque le participe passé correspond à un verbe attributif, il fait toujours porter le procès et la valeur qualifiante sur le sujet.
Le participe passé a une valence qualifiante qui le définit essentiellement. Le procès du participe ne « renvoie » pas à son « qualifié » en tant qu’agent (la relation du procès avec son agent dans « elles couraient » n’est pas la même dans « elles ont couru ») : la forme adjectivale du participe témoigne d’une actualisation spécifique du procès selon une double articulation. C’est la construction même du temps composé qui est à l’origine de ce phénomène et qui a inévitablement conduit à la question d’un accord adjectival avec un nom lié au procès, que ce nom soit sujet ou objet du procès morphologiquement constitué de l’auxiliaire et du participe. Les temps composés ont créé une double articulation du verbe :
Une identité homogène :
Le groupe « auxiliaire + participe passé avec un sujet / un objet
Une identité hétérogène :
D’un côté, l’auxiliaire réalisant les tiroirs verbaux (personnes, temps, modes), de l’autre côté, indépendamment, le participe passé imitant l’adjectif.
Étapes proposées pour réaliser l’accord du participe passé :
Prémisses : on s’en tient à ce que va ressortir à l’accord du participe passé. Le mot, les rections / désinences, natures4, fonctions
1. L’auxiliaire conjugué et le participe (forme adjectivale) repérés comme forme composée du verbe
2. Le procès « qualifiant » (la valeur adjectivale) du participe et son « qualifié »
3. L’exclusion du « qualifié » identifiable au COI
4. L’identité entre le qualifié et le sujet ou le COD
5. La logique syntaxique et pragmatique impliquée par la place du « qualifié » COD ou sujet
Le paramètre syntaxique de l’accord du participe passé : « la place du COD », selon l’expression en usage, dans la relation « A est P ».
Avec la compréhension de la relation d’accord, la mise en évidence de la valeur adjective du participe passé, il convient enfin de justifier l’actualisation ou l’inactualisation de la valeur adjective sur un « qualifié » qui est COD, mais placé après le participe passé.
Cette justification permet de mettre en œuvre la compréhension du sens de lecture, qui n’est autre qu’une mise en œuvre mnémotechnique : le participe passé ne porte le procès sur un « qualifié » de manière adjective que si ce « qualifié » (COD) est énoncé avant l’application de l’accord en genre et nombre, pour éviter tout suspens dans l’attente du COD et pour éviter tout retour en arrière (notamment impossible dans le langage oral, surtout quand cet accord est audible). Quant au paramètre syntaxique dans l’accord avec un « qualifié » sujet, nous considérons que le sujet précède le participe passé, sur la base d’une constructive déclarative qui peut être mise ne évidence : « Sont-elles passées ? » < « Elles sont passés », « Ne s’étaient-ils pas aidés ? » < « Ils ne s’étaient pas aidés. » La relation « A est P / A n’est pas P » est applicable en tous les cas.
Tous les termes auxquels est accordée la forme adjectivale du verbe, c’est-à-dire le participe passé dans un temps composé ou participe passé adjectif, peuvent entrer dans une relation attributive soit explicite soit sous-jacente : soit la relation qui a pour sens « est qualifié par »
Soient :
S + auxiliaire « être » + PP
S + pronom réfléchi + auxiliaire « être » + PP
S + auxiliaire « avoir » + PP + COD (postposé ou antéposé à PP)
Si
l’on applique la relation Q (qualifié) avec le participe passé (PP) :
Q PP (Q « est qualifié par » P) ou Ø PP (Q « n’est pas qualifié par » P)
Alors :
Q = S ou bien Q = COD seulement si le COD est postposé
« Les participants sont arrivés »
« Les participants » « arrivés »
« Les participants ont enregistré leurs noms »
« Leurs noms » « enregistrés », mais postposé
« participants » Ø « enregistrés »
« Les participants se sont portés candidats »
« Les participants » « portés »
« candidats » Ø « portés »
« Les participants se sont parlé »
« Les participants » Ø « parlés »
Pas de relation
« Les participants ont suivi de longs entraînements dont ils se sont parlé »
« Les participants » Ø « suivi »
« entraînements » Ø « suivi »
« Les participants » Ø « parlés »
Pas de relation avec le qualifié potentiel « entraînement », qui est COI
« Les participants se sont adressé des encouragements »
« encouragements » « adressés », mais postposé
« participants » Ø « adressés »
« Les participants se sont arrogé des droits indus »
« droits » « arrogés », mais postposé
« participants » Ø « arrogés »
CONCLUSION :
Il reste à établir une progression didactique et des procédés pédagogiques de mise en œuvre en déterminant précisément les concepts (et leurs utilisations) dans un ordre de construction cognitive, du Primaire à la 3e, et en articulant cette progression avec l’ensemble des notions grammaticales qui sont impliquées.
Une progression qui devra aussi être mise à l’épreuve des particularités et des difficultés cognitives et pragmatiques d’élèves.
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NOTES
1 La relation bilatérale entre « construit » et « reconstruit » est par ailleurs un enjeu pédagogique crucial dans une progression grammaticale : ce que l’on construit vérifie une construction attendu, donc, je reconstruis. Sans quoi, dans le même ordre d’idées que la notion de hiérarchie, l’arbitraire envahit et démonte ce qui consiste à réduite l’arbitraire dans la langue. La traduction sociologique de ce phénomène est dans la lutte d’idiomes multiples générés par autant de locuteurs qui en sont porteurs et même traducteurs à leur discrétion. Un fait de société qui entre en jeu dans les mutations des langues, mais qui ne peut évidemment être ici intégré à une didactique grammaticale normative.
2 Pédagogiquement, cela passe par la mise en place d’un double regard sur le langage (langue / langage) et donc une scission psycho-cognitive et culturelle par rapport à l’usage familier et familial de la langue. Nous concevons bien que cette approche peut sembler idéologiquement rétrograde, mais pourtant elle vise au contraire à se défaire du déterminisme socio-culturel, par une articulation régulière entre le plan de la langue et celui du langage, entre l’école et le cadre familial, non pour les confondre, mais pour justement les distinguer. Tous les enseignants savent combien l’enseignement de la grammaire est porteur d’enjeux psycho-affectifs et socio-culturels où l’enfant est souvent en posture défensive, régressive, voire agressive. Les réponses à cet enjeu n’est pas ici notre propos.
3 La définition de transitivité indirecte doit être très précise et rigoureuse, car souvent l’on constate que toute préposition (« de » ou autres), sans la construction verbale contrainte de la transitivité indirecte, est interprétée comme une marque du COI, entretenant la confusion avec le complément circonstanciel, le déterminant partitif, voire la forme réduite de « des ».
4 « Catégories » et « classes » sont des termes d’une telle abstraction qu’ils confinent au vide, renvoyant juste à la notion de "tri" et non pas à la motivation qui régit le tri. Le champ sémantique de "nature" permet une explication plus logique et les raisons idéologiques ayant fait abandonner ce terme n'ont plus pertinentes.