Septembre.
C’est à partir des mots eux-mêmes que se créent les mots. La concentration sur quelques mots : signification, évocation, sons, peut suffire amplement à l’inspiration.
L’écrivain qui parle de son personnage est obligé de subir l’existence d’un être doué de liberté, cette liberté de l’oeuvre accaparée par les lecteurs, dans une réalité sociale que l’auteur ne peut pas, et ne veut pas contrôler.
Idée : un homme qui a parcouru de nombreux pays, entre deux trains, s’arrête dans une petite ville de province. Le train arrive : il ne le prend pas, il reste pour toujours dans cette bourgade. On en donne ensuite l’explication : l’atmosphère le fascine (isolement, vaste horizon, population un peu étrange, comme détachée de ce qui intéresse la plupart des autres, des femmes très sensuelles, ouvertes à des relations sexuelles multiples qui n’ont aucune portée dramatique ni même passionnelle...).
Un poète raté trouve la tombe de son Eurydice. Il descend aux Enfers pour la retrouver : en fin de compte, elle a disparu depuis longtemps et n’était qu’un songe pour mourir.
«Les Âmes déliées» : l’eau de l’étang est un miroir entre la vie et la mort : deux rives parallèles. La nymphe est une messagère de la mort, mais au milieu du lac, au lieu de continuer vers la rive de la mort, elle le jette et le noie, entre la vie et la mort, là où l’être humain gagne une immortalité, mais dans la mélancolie et les confusions.
L’enfant de la maison isolée lui a-t-elle jeté un sort, ou bien était-elle déjà la messagère, la nymphe, sous une autre forme ?
Il s’échappe, ressort du lac : ni tout à fait réel ni un spectre. Pour lutter contre sa condition. Mais une partie de lui reste dans les eaux. Il retrouve la nymphe (autre forme ?) : il fait partie des «âmes déliées». Il peut entrer dans les rêves des mortels, sous les formes qu’il veut, pour influencer les destins. Il se crée un lieu à lui seul, où il écrit et médite.
16/09
Premières pages des «Âmes déliées» : la transcription à la machine est très mauvaise. Les texte lui-même semble fort mauvais.
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Il n’y a chez les personnages de psychologie que dans la psychanalyse trouble que développe inévitablement l’écriture.
27/09
Mon travail est extrêmement gêné par les obligations des études et d’une vie de contrainte. J’ai besoin d’ être seul, de n’avoir comme occupation, pour qu’elle soit vraie, que mon écriture. Pas de temps à perdre et il en va de ma santé. Un an, deux ans, pour écrire, enfin écrire réellement. Je n’en puis plus.
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Le corps du personnage parle, essaie de deviner la nature des pensées de l’esprit : le personnage subit, et le lecteur en déduit l’action et l’état mental du narrateur. Tout n’est que sensible : aucune interprétation.
Les Français, de droite ou de gauche, forment surtout le grand parti des petits, des mesquins, des inaptes à l’intelligence, des menteurs.
Nouvelle : un homme, en vacances dans un village, observe le quotidien d’un débile mental parmi les habitants. Il finit pas l’emmener à la pêche, sur le lac, en barque, et il le noie.
À Sophie (Tours).
12/11/1986
Ce que j’aime dans le violoncelle, c’est que l’on puisse passer en une seconde du bonheur aux larmes, et même, trouver la simultanéité de ces deux émotions contraires qui produisent, ensemble, un corps de plénitude. Ce son-là s’érige en nous comme l’arbre, une fondation d’entrelacs dans un sol profond de sensualité et d’intuitions. Les sons qu’il produit ne jaillissent pas de lui comme des éclaboussures, mais sortent en fait de nous-mêmes qui l’écoutons.
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L'être humain, est-ce la "profondeur" ?
Comme disait mon vénérable professeur de Latin :
"M. S. T. Mustis N.T. !"
Peindre le spectre émotif de l'objet exige une longue contemplation où l'esprit suit les alternances de l'observation et de l'aveuglement, de la présence et de l'absence, afin de séparer l'objet regardé de la perception qu'on en garde. Puis, il faut saisir au juste moment la fugitive apparition et la traduire dans un geste.
30/12/1986
Écriture de "Deus ex Machina"
Écrire... et la vie ne me rend plus malade, ou bien je ne le sens plus. Je n'ai plus à subir la psychose d'une vie qui n'est pas la mienne et qui veut me prendre à son piège. Mais les angoisses subsistent encore, parce qu'il faudra de nouveau remplir les mêmes obligations vaines. Retourner à la Fac. Tours ou ailleurs, peu importe. Toutefois, il y a maintenant Geneviève. Et Catherine B*** à Londres.
Cette existence monstrueuse est celle du parasite qui me ronge partout et m'atrophie.
Faut-il que je renonce à l'écriture pour la mériter ? Mais est-ce que ne n'est pas cela, le piège ? Faut-il continuer à marcher le long de ces jours et de ces nuits en m'éloignant de ma vie ? Rien, absolument rien ne peut m'assurer que l'écriture me sera rendue par cette situation de professeur ? Et le doctorat ? Utile à quoi ?
Et comment savoir si l'écriture m'admet pour artisan, voire un jour comme maître (soyons optimiste), puisque l'épreuve consiste justement à ne pas pouvoir écrire ?
Des images ne se perdent pas : le soleil couchant à la cime des arbres noirs, des regards, des couloirs, des escaliers, l'étang... quelques rires, quelques pleurs.
Je dois, ce 30 décembre 86, achever l'acte premier de "Deus ex Machina".
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Dès six heures ce soir, la nuit a éteint les clartés neigeuses de la journée, la Loire charriait des îlots de glaces. On les entendait sous la passerelle, sous les couvertures de brumes. Lorsque je suis rentré à Sainte-Radegonde, c'était encore éclairé chez ma vieille logeuse, je suis resté debout dans ma chambre, dans la nuit, le silence, devant la rangée des fenêtres : dedans, dehors, la nuit n'est jamais tout à fait la même ; la nuit a de multiples fonds, de multiples horizons.
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Anecdote pour un récit policier ?
Un assassin se trahit en vomissant sa victime.